Briser le silence : comment la contestation publique des poursuites-bâillons protège la liberté de la presse

février 26, 2025

Lorsque la journaliste d’investigation Carole Cadwalladr a décrit le fait d’être poursuivie pour diffamation comme un sentiment
« piégée à l’intérieur de la machinerie sans air du processus judiciaire », elle a capturé l’effet suffocant de
Poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPP) contre les journalistes du monde entier.

Les poursuites-bâillons, utilisées comme des outils d’intimidation, visent à réduire au silence ceux qui osent dénoncer des intérêts puissants en les enterrant dans des batailles juridiques coûteuses et épuisantes. Pour de nombreux journalistes, la simple menace d’une poursuite-bâillon suffit à refroidir leur travail. S’exprimer publiquement semble risqué ; les avocats à l’origine des menaces de poursuites-bâillons intimident généralement les journalistes pour les réduire au silence en insistant sur le fait que la menace reste confidentielle, ce qui donne l’impression que l’isolement est complet.

Mais rendre publique une menace de poursuite-bâillon peut aider à renverser la situation, en exposant la machinerie juridique pour
le processus abusif qu’il est et aider les autres à y être piégés à respirer enfin. La divulgation publique renforce la solidarité entre les journalistes, sensibilise aux poursuites-bâillons, aide à trouver des solutions adaptées au problème et expose les hommes d’affaires et les politiciens qui abusent habituellement de la loi pour faire taire leurs critiques.

En dénonçant publiquement les menaces de poursuites-bâillons, les journalistes peuvent faire preuve de solidarité avec d’autres personnes qui ont été confrontées à des tactiques similaires. Les poursuites-bâillons visent à isoler le journaliste et à créer un sentiment de peur et de vulnérabilité. Mais lorsqu’un journaliste s’exprime, cela encourage les autres à faire de même, créant ainsi une réponse collective à ce qui est souvent un problème systémique. La solidarité aide à responsabiliser les journalistes, en leur faisant comprendre qu’ils ne sont pas seuls et que la profession ne se laissera pas intimider et réduite au silence.

Les poursuites-bâillons sont répandues mais largement cachées, car la plupart se présentent sous la forme de menaces privées plutôt que d’affaires judiciaires, créant ainsi une illusion de rareté. Lorsque les journalistes dénoncent publiquement les poursuites-bâillons, ils les exposent au grand jour, ce qui augmente leur visibilité et incite la société civile, le public et les législateurs à reconnaître la nécessité d’agir. La sensibilisation est une première étape essentielle pour mettre fin aux poursuites-bâillons en tant qu’outils d’intimidation.

La publication des menaces fournit également des données précieuses pour aider à façonner des protections plus efficaces. Si des tendances se dégagent, montrant que les menaces proviennent de manière disproportionnée de cabinets d’avocats ou d’industries spécifiques, cela peut éclairer des réformes ciblées ou des mesures législatives visant à réduire les poursuites-bâillons. Il permet également aux organisations de médias et aux défenseurs de la liberté de la presse de concevoir des stratégies de soutien plus précises, que ce soit par le biais d’une assistance juridique ou de campagnes de sensibilisation du public.

L’une des décisions clés lorsqu’on rend publique une menace de poursuite-bâillon est de savoir s’il faut identifier le cabinet d’avocats, l’homme d’affaires ou le politicien responsable. Le fait de nommer publiquement ces parties peut avoir un impact important, exposant les récidivistes des poursuites-bâillons. Au fil du temps, les modèles peuvent révéler les responsables les plus fréquents, ce qui crée une pression supplémentaire pour qu’ils changent d’approche.

Citer des noms semble risqué pour de nombreux journalistes, qui hésitent souvent par crainte de représailles ou d’escalade. Mais l’union fait la force : en discutant avec leurs collègues, les journalistes peuvent découvrir qu’une même personne cible plusieurs reporters, ce qui rend possible une réponse publique commune. À l’inverse, une approche moins directe, comme le partage de statistiques sur les menaces reçues ou l’ajout d’un message du type « Nous avons fait face à cinquante menaces de poursuites cette année et restons déterminés », peut avoir un impact.

Pour ceux qui ont confiance en leur travail, ces menaces pourraient même servir d’insigne d’honneur, sensibilisant aux poursuites-bâillons sans risque supplémentaire.

Les médias dans leur ensemble pourraient également faire plus. Les médias devraient écrire sur le problème, exhorter à une réforme de la loi pour mettre fin à l’abus des lois sur la diffamation en particulier, et faire preuve de solidarité publique avec leurs collègues lorsqu’ils sont poursuivis en justice.

En fin de compte, il s’agit de se lever pour protéger la profession de journaliste et le rôle de la presse en tant que chien de garde du public.

Lorsque les journalistes s’unissent contre les menaces et dénoncent les tactiques des poursuites-bâillons, non seulement ils se protègent et protègent leurs collègues, mais ils protègent également le droit du public à l’information. En partageant leurs histoires et en faisant preuve de résilience, les journalistes renforcent la vérité qu’ils sont plus forts ensemble – et qu’aucune intimidation ne peut faire taire leur voix collective.

Blog écrit par Peter Noorlander, conseiller de Reporters Shield et consultant sur les questions de liberté d’expression, de société civile, de droit et de politique de justice sociale et de développement organisationnel.

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